Poil de Truite
Quand j’avais sept ans j’étais un grand chef indien, je parcourais les steppes accompagné de toute ma tribu montée sur de fiers mustangs peints aux couleurs du soleil. Nous chassions le bison jusqu’à la tombée du jour, nous en ramenions toujours plusieurs pour permettre aux squaws de préparer un délicieux festin dans la liesse générale.
Parfois un homme blanc trainait ses mocassins jusqu’aux tipis, nous testions alors ses intentions, pacifiques ? Belliqueuses ? Puis nous l’accueillions avec respect, partageant notre repas et fumant un calumet aux senteurs exotiques jusqu’à en avoir la tête brumeuse, se coucher dans la chaleur des peaux de bêtes, le feu crépitant encore dans le soir d’une nuit sans lune.
Lorsqu’arriva le jour de mes 8 ans je suis tombé éperdument amoureux d’une jeune squaw, la fille d’un de mes guerriers. Je chassai pour elle les plus belles biches de la steppe, elle ne voulut pas de moi. Je me fis le plus beau, je lui offris tous les cadeaux qu’une indienne puisse désirer, elle ne voulut pas de moi. Les esprits n’étaient pas de mon côté, je suis allé voir le chaman de la tribu pour lui réclamer des comptes. Le chaman m’expliqua que l’amour n’était pas l’affaire des esprits, que pour comprendre il me fallait grandir.
Alors je grandis, attendant patiemment que les années s’écoulent. Ma squaw choisit un autre mari, ma tribu choisit un autre chef, mon cheval choisit un autre maître et, lorsque je fus totalement grand, tout avait disparu ; me laissant seul avec le goût sucré d’un rêve merveilleux.